Pendant longtemps le tabac était une affaire d’homme : la majorité des fumeurs étaient des hommes.

• Cependant, dès le XVIIIe siècle, la fumeuse est présente dans la société. Le duc de Saint-Simon raconte ainsi dans ses Mémoires  comment Louis XIV surprit un soir en se rendant chez madame de Maintenon, la dauphine et les princesses d’Orléans en train de fumer les pipes qu’elles avaient empruntées aux gardes du palais.
Néanmoins, pendant longtemps la femme qui fume sera considérée comme une « évaporée », une femme aux mœurs douteuses et scandaleuses.
C’est le cas de la comédienne Anna Judic en 1834, qui provoqua le scandale en se produisant pour la première fois sur la scène du Palais-Royal avec une pipe à la bouche.
Mais au fil des générations, l’image de la fumeuse suit l’évolution du statut des femmes dans la société.

• Dans « les années folles »  de l’après-Première Guerre mondiale, lorsque les femmes élégantes issues d’un milieu aristocratique commencent à fumer, le fait de fumer n’est plus blâmable puisque que l’habitude est prise par des personnes absolument honorables. La cigarette est alors un attribut de luxe et de l’élégance. La fumeuse renvoie l’image d’une femme appartenant à un groupe social privilégié et distingué.

Cette photographie représente Coco Chanel (créatrice et styliste française) dans les années 1940. Pour elle, les femmes doivent être élégantes et à l’aise dans leurs vêtements. La cigarette est encore utilisée comme un grand accessoire de luxe.

• La femme se fait garçonne : elle a les cheveux courts, des pantalons ou jupes raccourcies, elle joue au tennis, conduit l’automobile  et surtout : elle fume. En fumant, elle proclame son désir d’émancipation par rapport aux normes et une envie de libérer les mœurs.

Cette photographie prise dans les années 1920 représente quatre « garçonnes » toutes plus élégantes les unes que les autres. La femme assise arbore fièrement sa cigarette avec sourire.

Cette affiche du film français «La Garçonne » datant de 1957 représente bien l’image d’une fumeuse élégante, dite « garçonne », avec les cheveux courts et une cigarette à la main.
La cigarette est un accessoire de sensualité au même titre que ses bijoux.  La cigarette exalte la féminité.

• La fumeuse est une femme à la quête de l’égalité des sexes, pour cela elle doit parfois fermement revendiquer son droit de fumer :

« Porte parole de la fumeuse, je demande donc haut et ferme que la travailleuse obtienne les même droits que son compagnon, ayant les même devoirs ; que le fait par une employée de bureau d’allumer une cigarette en travaillant ne soit ni un scandale public, ni une cause de conflit, d’observation aigres-douces et de renvoi.
Je demande également à mes lecteurs et amis les débitants de ne pas considérer l’acheteuse comme un phénomène, une femme à barbe ou à mœurs suspectent. C’est une femme plus intelligente que les autres, qui a su s’affranchir d’un préjugé, et apprécier ce qui était appréciable.
Que mes suppliques soient entendues et exaucées, et nous n’aurons pas tout à fait perdu notre temps, moi en écrivant cette page, et vous en la lisant. »
Marie-Pierre, « Plaidoyer pour les fumeuses »,
Revues des tabacs, mars 1933.

Puis les femmes commencent à conquérir leur indépendance (droit de vote, accès au travail). La cigarette devient au fur et à mesure accessible aux femmes de toutes catégories sociales. Les femmes accèdent aux mêmes statuts que les hommes, ainsi, la cigarette est un moyen de le prouver et d’afficher cette égalité.

Aussi, la fumeuse est souvent associée au milieu artistique comme le montre Juliette Greco (née 1927), chanteuse est actrice française.

Vers la fin du XXe siècle, le tabac renvoie à l’image de la femme non liée, autonome, indépendante dans sa vie amoureuse, c’est un symbole de liberté.

L’image de la femme évolue au cours des siècles, au XVIIIe siècle  elle est tout d’abord rejetée et exclue. Au début du XIXe siècle la fumeuse est une femme élégante, luxueuse et appartenant à une classe sociale élevée. Puis vient l’époque « garçonne » où la fumeuse veut afficher son émancipation. La femme qui fume possède un fort caractère et désire l’égalité des sexes. Elle veut imposer son droit de fumer malgré les mœurs de la société. Au final sa réussite lui donne une image positive.